Le génie en toute chose est une intuition

— Honoré de Balzac

Cette question n’aurait pu être posé aussi nettement il y à 30 ans, tant notre conception de l’intelligence managériale se réclamait, en France, d’une rationalité, moulée dans un « cartésianisme « qui ne pouvait avoir une faille dans la preuve et la logique.

Mes travaux sur la nature du développement du potentiel ont effectivement mis en valeur la force de la Raison et des raisonnement (j’ai appelé cette approche intellectuelle « la Hauteur de vue »). La capacité de distanciation nous permet d’avoir une compréhension objective d’une situation ou d’un thème de réflexion ; elle utilise les aptitudes d’abstraction et de conceptualisation, indispensables pour aborder les contextes complexes. Impliquant un déroulement et un abord analytique, elle réclame du temps (de 10 minutes à plusieurs jours) pour aboutir à une conclusion ou une synthèse.

Vous reconnaître cette qualité demandée depuis votre scolarité, qui voit ses applications lorsque, par exemple, vous avez à présenter un sujet à votre Direction. Tout ce qui précède la décision d’orientation d’une politique se fera sur le fondement d’une analyse qui interprète la réalité mais en reliant les faits entre eux, dans une perspective d’objectivité. La réflexion en groupe favorise, en principe, cette prise de recul …si chaque membre veut bien oublier ses intérêts personnels !

Mais revenons à l’intuition qui, pour moi, relève également de nos capacités intellectuelles. Voyons comment elle fonctionne.
L’intuition se reconnaît, si l’on écoute ceux qui en sont pourvus, par sa capacité à comprendre immédiatement et globalement une situation. C’est un « éclair » parfois inattendu qui vous propose une solution.
Le dictionnaire « Le Petit Robert » déclare que l’intuition est un « forme de connaissance immédiate qui ne recourt pas au raisonnement », à ne pas confondre avec l’instinct, inné par nature, qui offre des impulsions invariables.
L’intuition permet d’anticiper l’évolution de notre environnement, qu’il prenne la forme d’un métier ou d’une économie, en décelant les tendances sous jacentes, parce qu’elles sont en fait déjà présentes. Ces données multiples ont été « emmagasinées » dans notre cerveau et ceci sans effort. Les neurosciences démontrent cette capacité de notre outil cérébral à mener cette action hors d’une démarche pleinement volontaire de mémorisation. Les personnes qui utilisent l’intuition, les visionnaires, disent qu’elles « voient » ou qu’elles « sentent » que les futures orientations vont prendre tel tour ou tel autre.
L’intuition prend également sa part lorsqu’une décision individuelle doit être prise face à l’urgence. Vous avez certainement déjà expérimenté cette aptitude qui vous fait choisir le bon mot ou le bon geste dans une situation que l’on peut qualifier de « crise ». Cela va trop vite pour que cette action soit décidée par un raisonnement de déduction ou d’induction. C’est certainement l’expérience qui vous guide alors ou plutôt le souvenir d’une résolution de problèmes proches. Et là, en un instant, vous avez su quoi faire.

Il me souvient avoir entendu le témoignage d’une personnalité scientifique russe ayant préparé les futurs astronautes à « l’alunissage ». Ils avaient des centaines de paramètres à observer et le raisonnement et la prise de décision réclamait 3 minutes. Mais c’était trop long car les données géographiques avaient alors changé. Après entrainement intensif, ils ont réussi à descendre le temps de « réflexion » à 15 secondes ce qui permettait de prendre une décision applicable pertinente, démonstration de la capacité de notre cerveau à rapprocher des éléments décisifs dans un temps très bref qui permet l’action quasi immédiate.

Henri Bergson parlait de l’intuition de l’instant, indivisible et distincte par sa nature d’un temps homogène et spatialisé.
Créativité et intuition sont aussi liés : les personnes de l’art amassent, elles, des émotions liées à un son, à une image, à une couleur…qui remontent à un moment précis pour produire une œuvre originale mais toujours reliée à des réminiscences antérieures vues, entendue ou ressenties.

Cela s’appelle aussi le génie, observé à plusieurs reprises dans le monde scientifique. Souvenons – nous de « l’Eureka » d’Archimède mais aussi plus près de nous du témoignage précieux d’Albert Einstein qui affirmait que « un bond se produit dans la conscience et la solution vient à vous et vous ne savez ni comment ni pourquoi ». Sans parler du physicien Peter Higgs qui eut l’intuition de la particule qui porte son nom, en 1964 alors qu’elle ne fut officiellement identifiée qu’en 2012.

Il ya une caractéristique merveilleuse dans l’intuition : elle ne demande pas d’effort à celui ou celle qui la cultive. Elle émerge même souvent dans les moments où on se détend, lorsque l’on se laisse porter par la rêverie. Elle arrive alors soudaine, rapide et génère la certitude fulgurante d’être dans le vrai.

Chers amis, Dirigeants ou futurs Dirigeants, je ne pourrais que vous encourager à développer cette aptitude, mystérieuse parfois, qui éclairera le futur et vous fera prendre les bonnes décisions. Pour cela, et ceux qui ont ce talent le savent, il suffit de sortir de l’action et de l’activité à tout prix, de se laisser aller à la rencontre de son imagination- certains parleront même d’inconscient-, d’observer l’évolution de tout ce qui nous entoure même hors de notre champ, de se poser constamment des questions et de faire des rapprochements entre les différents constats.

Premier exercice :
Question : Pour vous, quelles seront les évolutions à 5ans de l’Europe et quelles conséquences pour votre domaine d’activité, de métier ou de business ?
Laissez murir la réponse sans vous précipiter et lorsque vous serez prêt, écrivez pour vous en une page ce que dit votre intuition, page que vous mettrez dans un document scellé. A ouvrir dans 12 mois !

Muriel Ortoli

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